Équipe de France baseball

Publication } 30-09-2025

Crédit photo : @honkbalsoftbalnl

FFBS :

Tout d’abord, quel bilan établissez-vous de la prestation de l’équipe de France à l’Euro Baseball 2025 à Rotterdam ?

Stephen Lesfargues (SL), DTN :

Le bilan comptable n’est pas bon, nous n’avons pas atteint nos objectifs sportifs, c’est une réalité qu’il faut assumer, à commencer par moi.
Notre niveau de jeu n’a pas été suffisant pour prétendre aux places que nous visions. Il ne s’agit pas de se chercher des excuses. Nous avons manqué de constance, d’efficacité dans tous les compartiments du jeu et de capacité à transformer les moments clés.
Mais il faut aussi souligner que l’équipe a montré de la combativité, de l’engagement et parfois un niveau de jeu capable de rivaliser avec les meilleures nations européennes notamment sur nos 4 premières rencontres du championnat d’Europe. Ce championnat nous a surtout mis face à nos limites structurelles. C’est un rappel du chemin qu’il nous reste à parcourir et nous allons nous en servir comme point d’appui pour progresser.

Ce que je retiens aussi, ce n’est pas uniquement le résultat, mais les réponses humaines et collectives dans cette contre-performance de notre équipe que l’on soit joueur, manager, coach, scout, directeur technique national ou élu. Le haut niveau ne pardonne pas les approximations, et cet Euro nous le rappelle.
Nous allons faire notre propre analyse avec le manager de l’Équipe de France, le DTN adjoint Baseball, les élus et nous tirerons les enseignements et les conclusions de ce bilan.

FFBS :

Pourquoi n’êtes-vous partis qu’avec 23 joueurs au lieu des 24 autorisés ?

SL :

Nous avions bien prévu de constituer un groupe complet de 24 joueurs, comme le règlement nous y autorisait. Cependant, plusieurs éléments nous ont contraints à partir avec 23 joueurs. Certains joueurs évoluant aux États-Unis notamment dans les championnats universitaires ou professionnels n’étaient pas disponibles à ces dates, soit en raison de leur calendrier universitaire ou de College, soit parce que leurs structures ne pouvaient/voulaient pas les libérer. Ils sont pour certains des joueurs professionnels et nous devons respecter leur carrière. Je tiens à dire ici qu’ils souhaitent tous jouer pour l’équipe de France en 2027.

Nous avons également dû faire face à des forfaits pour blessure de dernière minute, ce qui a réduit le groupe sans possibilité réaliste de remplacement. Dans ces conditions, nous avons fait le choix de maintenir la cohésion et la qualité du groupe déjà engagé. Nous nous sommes adaptés, mais cette situation rappelle l’importance d’anticiper les charges de travail avec les clubs et d’arriver à 100 % en compétition internationale. Chacun a une responsabilité dans ce domaine : les joueurs doivent signaler clairement leur état, et la communication entre le staff de l’équipe de France, les structures et les clubs doit être renforcée pour éviter que cela ne se reproduise.


Pour être complet sur ma réponse, je voudrais remercier devant vous la présence de Baptiste comme bullpen catcheur, il ne pouvait pas administrativement être qualifié dans le roster final de 24 joueurs. Il a réalisé un travail énorme dans l’ombre de notre collectif.


Construire une équipe nationale, ce n’est pas simplement sélectionner les 24 meilleurs joueurs sur le papier. Il faut des athlètes disponibles, en pleine forme et transparents sur leur état physique. Avec un effectif complet, nous aurions eu probablement davantage de flexibilité dans les rotations
.

FFBS :

À votre avis, quelles sont les forces que l’on a pu voir pendant ce championnat ?

SL :

Plusieurs points positifs comme l’envie, la combativité sur les 4 premières rencontres de l’Euro. Les joueurs ont démontré qu’ils ne lâchaient rien, même quand le score était défavorable. En revanche, je ne dirais pas la même chose sur les 2 dernières rencontres de ce championnat qui ne reflètent pas le niveau de cette équipe.

Par moments, la qualité de notre pitching, certaines sorties très intéressantes comme avec Franklin et Gédéon, et la défense ont été globalement correctes. Nous avons 4 rencontres sur 6 avec aucun point sur les 3 premières manches.

Le fait que l’équipe soit encore en construction : certains joueurs prennent de l’expérience lors de gros rendez-vous.

FFBS :

Et les principaux regrets, les axes de progression ?

SL :

Nous avons manqué d’actions décisives qui font basculer une rencontre.
Il faut aussi évoquer la constance mentale, on a trop souvent cédé et manqué de rebond notamment dans les 2 dernières rencontres de l’Euro contre des adversaires plus faibles.
Je peux comprendre nos joueurs. Nous venons à Rotterdam pour un autre résultat après 4 jours de compétition. Nous étions tous déçus. Mais le tournoi n’était pas fini. Nous avions encore 18 manches pour montrer autre chose et finir sur une note positive. Pas pour un classement, mais pour nous, pour l’équipe, pour nos licenciés, pour tous les efforts faits depuis des mois. Le plus grand regret a été de finir sans avoir une remobilisation avec honneur et fierté du maillot France. Les valeurs que nous transmettons ne sont pas celles reflétées sur ces 2 dernières rencontres.

Nous devons progresser face à l’expérience des équipes d’un niveau très élevé : nos adversaires (Pays-Bas, Grande-Bretagne, Israël, Italie) ont plus d’expérience sur le terrain de la haute performance avec plusieurs joueurs évoluant en ligues professionnelles, ce qui se voit sur les détails.

FFBS :

Quel bilan établissez-vous, sur le plan technique, à partir des statistiques de l’Euro 2025 ?

SL :

Si l’on dresse un premier bilan objectif à chaud, on constate que notre niveau de performance n’a pas été suffisant pour exister face aux nations présentes à Rotterdam. 

Plusieurs indicateurs statistiques le révèlent clairement :


- Offensivement, notre moyenne collective au bâton et notre taux d’OBP sont restés en dessous du seuil de compétitivité attendu. Nous avons produit trop peu de "clutch hits" dans les situations avec des coureurs en position de marquer, avec un taux de conversion très faible d’où le peu de RBI pour l’équipe.
Notre performance offensive à Rotterdam a clairement été en dessous des standards nécessaires pour exister au plus haut niveau européen.
Nous terminons à la 13ᵉ place sur 16 au niveau du batting average (.245) et seulement 14ᵉ en slugging (.283), nous sommes l’une des deux seules équipes du tournoi à ne pas avoir frappé un seul home run. Avec 18 RBI en 6 matchs, nous affichons la deuxième plus faible production de points du tournoi, loin derrière la médiane autour de 30/40 RBI pour les autres équipes.
Même lorsque nous avons eu des coureurs sur base, notre OPS (0.623) montre que nous n’avons pas converti, en particulier dans les situations avec des coureurs en position de marquer. Cela montre bien que notre problème n’est pas l’accès aux bases, notre OBP (.340) reste proche de la moyenne européenne mais le manque d’impact dans la finition de la construction de nos points, là où les grandes nations transforment ces situations.
Ce tableau n’est pas négatif, il est instructif. Il nous indique précisément où concentrer nos efforts : développer de la puissance (slugging), de la production (RBI) et des profils capables de renverser un match.


- Sur le plan du pitching, aucun de nos lanceurs ne se positionne dans le top ERA ou K/BB du tournoi, ce qui montre un manque de capacité à contrôler les rencontres sauf quelques exceptions. Les passages critiques au monticule se sont souvent soldés par des séquences de plusieurs frappeurs consécutifs atteignant les bases ce qui, statistiquement, condamne souvent un match notamment dans les dernières manches d’une partie.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : si notre attaque a montré un manque d’impact, notre secteur pitching n’a pas permis de compenser. Avec une ERA collective de 6.88, nous terminons 14ᵉ sur 16 équipes, très loin de la moyenne des autres nations, située entre 1 à 4.
Plusieurs indicateurs illustrent nos difficultés :
WHIP à 2.16, soit le deuxième plus élevé du tournoi : cela signifie que plus de deux coureurs atteignent les bases par manche, ce qui rend impossible la maîtrise de la rencontre.
40 BB pour 38 K, un ratio inférieur à 1. Les équipes dominantes comme les Pays-Bas (68K/13BB), l’Italie (54K/17BB) ou l’Allemagne (52K/18BB) sont systématiquement au-dessus dans leurs ratios K/BB.
1 seul home run concédé, ce qui montre que nous n’avons pas été punis sur la puissance mais plutôt sur l’accumulation de manches prolongées par des bases gratuites et des coups sûrs.
On ne perd donc pas nos matchs sur des gros coups adverses (sauf contre l’Israël), mais sur l’incapacité à sortir des manches propres, à stopper l’hémorragie avant qu’elle ne s’installe. Nous avons concédé 1 manche à 7 points, 3 manches à 5 points, 1 manche à 4 points et 4 manches à 3 points sur un total de 52 manches.


- Défensivement, nous avons été globalement solides, mais pas assez dominants pour compenser certains manques : notre taux d’erreurs est correct, mais avec une marge de progression pour l’avenir. A souligner, notre capacité à convertir des jeux difficiles dans l’outfield reste très intéressante par rapport aux meilleures nations. C’est une bonne satisfaction de ce côté-là.

FFBS :

Qu’est-ce que cela vous enseigne pour l’avenir ?

SL :

Ce tournoi nous donne une base de travail très précise : passer d’un profil correct à un profil impactant. Que pour franchir un palier, nous devons poursuivre le développement de nos joueurs capables de créer des opportunités offensives pour l’équipe avec le RBI hit au bon moment dans un match serré. Il faudra aussi renforcer le staff de lanceurs pour qu’ils puissent se positionner parmi les leaders européens (ERA, K/BB).
Travailler sur la constance et la résistance aux moments de pression car les données montrent que c’est souvent dans ces moments qu’on perd le match, et pas forcément à cause d’une domination écrasante de nos adversaires.
Poursuivre la préparation défensive pour que notre marge d’erreur soit plus faible encore.
Nous devons également changer certaines choses en interne. Nous allons avec le DTN Adjoint et le Manager de l’EDF senior, faire un bilan de l’Euro et discuter des axes d’amélioration dans notre organisation.
Nous avons aussi fait des choix de préparation, de logistique souvent par défaut liés à notre budget. Cela ne fonctionne pas/plus à ce niveau.

FFBS :

Quelle est votre lecture de l’écart entre la France et les meilleures nations européennes ?

SL :

Le fossé est à la fois technique, structurel et culturel :

Technique : les nations phares disposent souvent de joueurs évoluant dans des championnats professionnels ou semi-professionnels, avec un niveau d’entraînement et de jeu plus élevé sur l’année.
Il y a aussi beaucoup de joueurs Vénézuéliens naturalisés dans l’ensemble des équipes. C’est un pays de baseball, je ne vais pas vous apprendre que les joueurs sont forts sur l’ensemble des aspects du jeu.

Structurel : Elles bénéficient souvent de réservoirs de joueurs plus larges, de systèmes de formation plus robustes, de meilleurs budgets et d’infrastructures bien meilleures que dans nos clubs de Division 1.
Nous devons poursuivre la structuration des Académies Labellisées Baseball (ALB) dans nos clubs français de haut niveau. Les joueurs évoluant en France doivent pouvoir s’entraîner dans les meilleures conditions. Seul Rouen est dans cette dynamique. Ce n’est pas pour rien qu’ils sont 19 fois champion de France.
Autre point : le budget prévu était de 60 K€ pour l’année 2025, contre seulement 5 K€ pour 2024. Le projet senior ne repose donc pas sur une véritable programmation pluriannuelle. Par ailleurs, le budget alloué aux équipes du Top 8 pour la saison 2024/2025 ne me semble pas comparable à celui dédié à la semaine de Rotterdam.
Une réunion avec le Président est prévue afin de travailler sur les projections budgétaires pour 2026, 2027 et 2028.


Culturel : dans les principaux pays européens, le baseball s’appuie sur une tradition déjà solidement installée. En Italie, certaines villes comme à Parme considèrent le baseball comme un sport historique, avec une présence régulière dans les médias régionaux et un soutien affirmé des collectivités. Aux Pays-Bas, le championnat est reconnu comme l’un des meilleurs championnats d’Europe, avec une forte fréquentation des matchs. Le stade de Rotterdam est un exemple parmi d’autres. En Espagne, des clubs comme Tenerife ou Valence bénéficient d’un ancrage local fort et d’une visibilité. La République tchèque est aujourd’hui un modèle de structuration : le baseball y est enseigné dans certaines écoles, les clubs disposent de centres d’entraînement modernes, et la sélection nationale réalise régulièrement des performances de haut niveau. Quant à l’Allemagne, le baseball s’appuie sur des clubs fortement professionnalisés comme à Regensburg et bénéficie d’un soutien croissant des municipalités et régions.
Dans ces contextes, la visibilité médiatique, la reconnaissance institutionnelle et l’identification locale créent un environnement favorable : les infrastructures sont plus accessibles, les sponsors s’engagent plus facilement et les familles perçoivent le baseball comme une option sportive légitime. La culture locale agit ainsi comme un véritable accélérateur de développement et ce n’est pas le fruit du travail des fédérations en dehors de la formation des cadres.

FFBS :

Quel message avez-vous pour les joueurs, les clubs et les licenciés de la FFBS ?

SL :

Aux joueurs, je leur ai dit directement à la fin de l’Euro : continuez à travailler, croyez en vos capacités, chaque défaite est une leçon. 
Je crois personnellement en eux et je sais que nous serons plus compétitifs en 2027 avec toutes nos forces dans le baseball français.

Aux clubs : qu’ils poursuivent l’effort en infrastructures, accueil, encadrement, formation pour que le vivier s’élargisse.
Je profite de l’occasion pour remercier les Présidents des clubs de Division 1 pour la mise à disposition de leurs managers. La direction technique a fait appel à 4 managers de nos 8 clubs de Division 1 pour les collectifs U23 et senior 2025 (Rouen, Toulouse, La Rochelle et Savigny-sur-Orge).

Aux licenciés : merci pour votre soutien. Le chemin est long, mais sans vous nous ne sommes rien et nous ne pourrons pas répondre à vos attentes de voir les équipes de France Baseball briller en Europe.

L’Euro Baseball 2025 à Rotterdam a été une compétition exigeante pour l’équipe de France. Entre les résultats, nos statistiques et les diverses contraintes, cette expérience constitue un nouveau défi pour progresser et préparer les échéances internationales à venir, tout en renforçant la formation et la résilience de nos joueurs.
Enfin, j’ai lu beaucoup de choses sur les réseaux sociaux ces derniers jours. Je rassure certains et certaines de nos licenciés, avec le DTN adjoint, nous ne nous accrochons pas à la place et nous tirerons les conclusions de notre bilan en interne pour poursuivre ou non la mission. Je profite de cette interview pour remercier les soutiens positifs que nous avons reçu ces derniers jours de la part de notre écosystème fédéral.