Fédéral

Publication } 02-07-2024

Dans ce treizième épisode de Femmes de Sport, nous partons à la rencontre de Gin BATS, figure de l’arbitrage reconnue tant en France qu’à l’international.

Née au Vénézuéla le 28 août 1958, Gin joue rapidement au hockey sur gazon à haut niveau aux Etats-Unis. De nationalité américaine, elle arrive en France en 1978. Étudiante à Georgetown University (Etats-Unis), Gin a la possibilité de passer sa troisième année d’études à l’étranger. Elle choisit alors la France où habite sa sœur à Bordeaux, et où elle rencontre son futur mari, puis repart aux Etats-Unis pour compléter sa dernière année d’études. A distance, elle entretient alors une relation épistolaire avec son petit-ami français.

Gin part ensuite le rejoindre et habiter en France, suite à un courrier des plus uniques :

Il m’a demandé en mariage dans une lettre, et ça va faire 44 ans.

Les premières années, la jeune femme vit à Marseille où elle devient mère de deux garçons. Puis, en 1990, elle déménage à Montpellier et s’insère petit à petit dans l’écosystème du baseball et du softball français.

A la foire de Montpellier, il (son mari) a trouvé un stand des Barracudas de Montpellier qui parlait du baseball et du softball. [...] Donc je trouve leur numéro et j’appelle le club, ils étaient super contents [...] et me disent directement de venir les rejoindre !

Gin intègre alors d’abord le club en tant que joueuse, puis se tourne progressivement vers l’arbitrage.

“On m’a pris, et on m’a un peu plongé dans l’arbitrage ! Au départ, un arbitre de Montpellier (Adam TYAR) est venu me voir en me disant “Gin, pourquoi tu ne viens pas faire de l’arbitrage ?” [...] Je lui ai dit que je n’y connaissais rien [...] et il m’a proposé de faire une formation. Donc j’ai commencé par une formation, j’ai eu de bons résultats aux écrits. Et sur le terrain, il a dû voir que j’étais à l’aise très vite.
Gin BATS (à gauche).

Une fois son diplôme obtenu, Gin commence par arbitrer les jeunes et reçoit instantanément une multitude de retours.

“Les coachs venaient me voir, les joueurs venaient me voir, du coup je me suis beaucoup entraînée. Et c’est venu en moins d’un an, j’étais mordue à l’arbitrage ! Et je pense que c’est surtout grâce aux retours positifs ou constructifs que j’ai eu. Je pense que les gens sentaient que je n’étais pas sur le terrain pour moi mais pour eux, et que j’étais très à l’écoute.”

Autodidacte, elle apprend et se forme seule en observant les autres, leur gestuelle, leurs réflexes, et en travaillant chez elle.

“La différence avec cette époque-là, c’est qu’on n’avait pas de suivi. Ce n’est pas parce que tu connais le livre par cœur, que tu seras bon sur le terrain. Être arbitre sur un terrain, c’est vraiment une implication au service du jeu, au service des joueurs, et d’essayer de rendre la rencontre la meilleure possible afin que les participants s’éclatent !”

Gin apprend alors les règles et effectue quelques formations. Elle s’entraîne notamment en soirée avec les joueurs montpelliérains, s’engage pleinement et se remet sans cesse en question.

“Je me suis beaucoup investie et je crois que c’est pour ça que j’ai réussi à évoluer dans l’arbitrage à haut niveau.”

Sans modèle à suivre, Gin a travaillé dur pour évoluer dans le monde de l’arbitrage.

“Il n’y avait pas d’arbitre superviseur à cette époque-là pour venir dire à la fin du match : tu devrais travailler un peu ceci ou cela, donc c’était vraiment du travail individuel. C’était dur.”

Malgré tout, elle se réjouit de son parcours et des nouvelles évolutions permettant un apprentissage différent pour les arbitres d’aujourd’hui.

“Aujourd’hui, pratiquement tous les matchs de baseball et softball sont trouvables en live et en replay sur YouTube, donc on peut se regarder arbitrer.”

L’occasion pour les arbitres de pouvoir visionner la rencontre, et s’autoévaluer. De plus, Gin évoque de nouvelles formations de la MLB (Major League Baseball) qui représentent aujourd’hui “une chance inouïe” pour les arbitres de baseball.

“C’est comme ça qu’ils vont devenir meilleurs. Les arbitres de baseball sont très bons, ceux de softball aussi sauf que l’on n’a pas les mêmes formations à haut niveau. Il y a un très bon arbitrage en France.”

Gin commence ainsi l’arbitrage en 1996, deux ans après avoir arrêté de jouer, et investit beaucoup de son temps pour apprendre de manière continue.

“J’ai arbitré beaucoup les jeunes aussi, parce que j’estime que les jeunes méritent un arbitre dévoué, tout autant que les garçons et les filles qui jouent en élite (Division 1). Donc j’ai arbitré énormément, tous les samedis et dimanches : les samedis je faisais les jeunes (minimes, cadets…) et le dimanche j’étais partout. Et j’ai fait vraiment beaucoup plus de baseball que de softball, même si en softball c’était à un niveau international plus élevé. [...] J’ai beaucoup appris, tous les dimanches.”

Un nouveau passe-temps, devenu une réelle passion !

“C’est une passion. L’arbitrage devrait être une passion, l’arbitrage doit être au service du jeu et au service des joueurs. Il faut se remettre en question tout le temps, chaque fois que l’on sort du terrain. Il faut parler avec ses collègues, demander comment on était, etc.”

Gin a su tirer son épingle du jeu et se hisser au sommet de l’arbitrage français et international. Elle a tout d’abord arbitré au niveau local, puis durant une douzaine d’années au plus haut niveau en France (Division 1) en softball et en baseball.

“Comme je m’entraînais le soir avec les garçons de Montpellier, il y avait un respect mutuel sur le terrain donc je progressais, je regardais, j’apprenais.”

Par la suite, Gin est rapidement poussée sur le plan européen. Effectivement, elle est envoyée à la Coupe d’Europe de softball directement après l’obtention de son diplôme. Gin arbitre alors entre 5 et 6 ans au plus haut niveau européen en baseball, et encore davantage d’années au même niveau en softball.

“C’était un honneur.”
Gin BATS (ligne du bas, deuxième en partant de la droite) – Compétition européenne de softball.

Humble et reconnaissante, Gin se souvient arriver à ces Coupes d’Europe avec “8 matchs de softball dans les jambes”, quand d’autres arbitres d’Italie ou d’Espagne arrivaient avec “plus de 100 matchs dans les chaussures”. Elle a alors dû faire preuve de détermination pour combler cet écart et se hisser au plus haut niveau.

“Il fallait que je travaille encore plus dur pour être au niveau des autres. J’adorais ça, mais c’était dur. [...] Quand je pense aujourd’hui aux arbitres qu’on envoie faire les tournois européens, moi à cette époque-là au début je n’arrivais pas à leur cheville ! Parce qu’on n’avait pas d’arbitres, et il fallait en envoyer. Mais bon, j’ai travaillé très très très dur.”
Gin BATS au marbre – Compétition européenne de softball.

Seule femme à exercer en tant qu’arbitre de baseball au niveau européen à l’époque, mais également en Division 1 en France, Gin représente un réel modèle d’inspiration pour les femmes souhaitant évoluer dans le monde de l’arbitrage. Elle a notamment su créer une relation de confiance avec tous les acteurs qu’elle a pu croiser.

“Quand je suis allée en Coupe d’Europe de baseball, j’ai eu de très jolies expériences. J’ai été respectée par les hommes, respectée par mes collègues. De toute façon, j’ai ma personnalité, je sais respecter mes collègues, et puis sur le terrain : je respecte. J’étais très à l’écoute de tout le monde donc ça a bien marché, j’avoue que c’était une très jolie expérience.”
Gin BATS (à gauche) – Arbitre nommée en finale de Coupe d’Europe de baseball.

Lors des Coupes d’Europe en softball, Gin était également très souvent nommée pour les finales en base ou au marbre, ce qu’elle recevait comme une réelle récompense. Au cours de son ascension phénoménale, Gin a même pu s’envoler aux Championnats du monde de softball féminin balle rapide en Chine, en 2007. 

“Le plus haut championnat que j’ai fait. J’avais peur [...] parce qu’on était une vingtaine d’arbitres : un arbitre anglais et moi qui avions arbitré 5 ou 6 matchs, des Hollandais (qui arbitraient 100 matchs à l’année), des Américains (au moins 200 matchs), des Italiens (au moins 100 matchs). Le niveau de la compétition était très élevé. [...] C’était une très belle expérience, c’était l’année juste avant les Jeux Olympiques.”
Gin BATS (au milieu), entourée de deux arbitres européens (Italie et Angleterre) – Championnats du monde de softball féminin en Chine (2007).

Devenue une arbitre reconnue, Gin est également invitée en 2005 à arbitrer les Maccabiah Games en Israël (Jeux Olympiques des personnes de confession juive, venant du monde entier). Cette compétition nécessitait un diplôme international et Gin a vraiment apprécié l’expérience. Aussi, elle arbitre en Pologne à l’occasion de la Little League Baseball, compétition qualificative de l’Afrique et l’Europe. Gin est même nommée pour arbitrer la finale en tant qu’arbitre en chef au marbre. Belle expérience.”

Gin BATS sur base (en arrière-plan) lors des qualifications pour les Jeux Olympiques (2006).

Par la suite, Gin devient alors également formatrice d’arbitres et formatrice de formateurs.

“Quand je formais, je leur disais : remettez-vous en question à chaque fois que vous arbitrez, prenez plaisir, soyez au service du jeu. [...] Les formations d’aujourd’hui : tout le monde a le même cahier des charges, il faut avoir un diplôme, etc et c’est très bien.”

Si Gin s’est beaucoup impliquée en tant qu’arbitre et formatrice, elle s’est également engagée dans la vie de divers comités de baseball et softball (Comité directeur de la FFBS, Comité directeur de la Ligue Occitanie, du club de Montpellier…). Elle a également accompagné une équipe de France masculine Junior de softball ainsi que le staff (présidé par Hervé DELHINGER) au Canada il y a plusieurs années afin d’aider, expliquer les règles et arbitrer. De même pour les équipes de France féminines en softball (présidées à l’époque par Ghislaine ETHIER), afin de clarifier les règles.

Gin BATS sur base (en arrière-plan) lors des qualifications pour les Jeux Olympiques (2006).

Gin arrête ensuite l’arbitrage après les Championnats du monde, suite à des problèmes de santé. Une période difficile pour cette passionnée, qui s’éloigne plusieurs années des terrains. Néanmoins, Gin est de retour depuis peu pour le plus grand plaisir de tous !

“Je pense que je suis restée 10 ans à être loin des terrains, j’étais tellement malheureuse. Et là, l’année dernière, j’ai commencé à y retourner, regarder les matchs, [...] j’allais voir des arbitres de baseball en disant “Bonjour, je m’appelle Gin, j’étais arbitre”. [...] Et petit à petit, on m’a demandé de revenir et je le fais avec grand plaisir. Je pense que j’ai encore de l’expérience et des acquis, et que je peux encore partager des choses avec un jeune arbitre ou même un moins jeune.”

 

Dernièrement, Gin était d’ailleurs présente au Challenge de France de softball féminin pour superviser les arbitres.

“A la fin, je vais voir les arbitres et je leur donne juste quelques retours parce que je ne veux pas être trop prétentieuse non plus, ça fait longtemps que je n’ai pas été près des terrains. Les choses ont peut-être changé, mais je peux observer et certains viennent me demander mon avis : “Comment as-tu trouvé ma gestuelle ?” etc. Donc je donne un petit peu de retours.”

Depuis cette année, Gin a aussi intégré la Commission Fédérale Arbitrage (CFA) aux côtés de Ludovic MEILLIER qui l’a invité à rejoindre le groupe. 

“J’espère petit à petit revenir au moins comme observatrice des arbitres, pour évaluer les arbitres. Mais j’ai aussi demandé à faire des remises à niveau, c’est-à-dire ne pas juste rester sur mes acquis. [...] Les règles ont changé en baseball et en softball, donc il est de ma responsabilité d’apprendre les nouvelles règles : est-ce qu’il y a de nouvelles règles, de nouvelles consignes qui ont été données depuis que j’ai quitté, parce que pour pouvoir évaluer il faut être à jour.“

 

Force est de constater que Gin est devenue un modèle pour les femmes arbitres d’aujourd’hui. C’est pourquoi, la Fédération Française de Baseball et Softball a décidé de la remercier et de lui faire honneur, en créant un trophée à son nom en 2022 : le Trophée Gin BATS, dédié à l’arbitrage féminin.

“Quand on m’a appelé pour me dire “on va faire le Trophée Gin BATS”, j’étais fière. C’est une récompense pour un investissement, un retour. J’étais très fière et contente de mon arbitrage, de mon investissement et j'adore ce sport. Donc quand ils m’ont annoncé ce trophée je suis restée sans mot. Quelle belle récompense pour toutes ces années de travail ! C’était mon plaisir à moi, j’ai adoré arbitrer. C’est une belle récompense pour je ne sais quoi au final car tout ce que j’ai fait c’était pour les autres mais aussi pour mon plaisir personnel ! C’est un retour sur la passion, extraordinaire.”

 

Le tout premier Trophée Gin BATS a d’ailleurs été décerné à Florence SAUVAGE, pour qui Gin a beaucoup d’affection.

“Elle est excellente. Elle me fait penser à moi parce qu’elle a toujours soif d’apprendre, toujours soif de s’améliorer. [...] Elle a pris un an sabbatique là elle va revenir, mais elle a un très grand potentiel. Elle est déjà très bonne et c’est dommage que l’on ait pas plus de filles qui aient envie de s’investir. Pour l’instant, il y en a beaucoup qui jouent encore. Très bonne arbitre Florence, vraiment !”
Stephen LESFARGUES (Directeur Technique National), Gin BATS et Florence SAUVAGE.

Toujours dans les trophées, Gin a également reçu les mérites AFCAM, ainsi que les mérites fédéraux pour chaque sport. Parmi toutes ces récompenses qui la rendent très fière, le fait d’être nommée pour arbitrer les finales de Division 1 en softball et en baseball a fait partie de ses plus grands accomplissements.

“Le fait qu’on me récompense pour un travail de l’année en me disant que j’étais nommée pour faire les finales, me rendait très fière aussi.”

 

La FFBS remercie Gin pour ses précieux conseils et sa bienveillance, pour le modèle inspirant qu’elle représente ainsi que pour son investissement sans faille au service de nos sports.

 

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